L’avenue de Flandre était dans mon enfance une rue étroite et populaire, dont le côté impair fut rasé dans les années 60.
Encore aujourd’hui, je traverse souvent cette avenue. Il y a quelque temps, j’ai marché par hasard sur un petit losange de céramique bleu. Alors, a surgi de ma mémoire le pavement multicolore d’une allée qui conduisait autrefois au fond du cinquante-sept, là où j’habitais.
Les concierges étaient sévères avec les enfants qu’ils empêchaient de tourner dans la cour, autour du bassin aux poissons rouges. Évidemment, je les craignais.
Mais sans doute pour leur rendre justice à mes yeux, ma mère m’apprit un jour qu’ils avaient, en 1942, caché une petite fille dont les parents venaient d’être arrêtés par la Gestapo.
Cette parole resta, comme une tesselle, fixée quelque part dans ma mémoire.
Cinquante ans plus tard, voici qu’elle ressurgissait, me donnant le désir de recomposer la mosaïque.