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Le samedi 2 septembre, ils sont partis pour le bois de Chaville. Au passage, ils arrêtent le tandem devant la mairie d’un village où s’est rassemblé un attroupement. Avant de pouvoir lire l’affiche devant laquelle tout le monde se presse, ils entendent des bribes de phrases : « tous les hommes valides mobilisés. »
« 2 septembre zéro heure. » Suzanne est effrayée :
« Alors ça y est… c’est la guerre ? » Raymond la calme. Il s’en doutait. Mais cette guerre-là ne durera pas.
Comme tous les soldats ne peuvent pas partir en même temps, la mobilisation est échelonnée. Raymond a quelques jours pour rejoindre son régiment, qui est précisé sur le fascicule qu’on lui a donné à la fin de son service militaire. Il sait ce qu’il doit faire. Il a du temps pour se préparer.
Il ne part pas « la fleur au fusil », comme on le faisait en quatorze, mais avec la conscience tranquille de quelqu’un qui respecte la légalité.
Il séjourne dans un camp de transit, où Suzanne parvient à aller le voir. Plus tard, il est envoyé au stalag VIIIC, et restera cinq ans prisonnier de guerre.
Suzanne a su remarquablement s’adapter aux conditions de la guerre. D’abord elle munit son mari de vêtements chauds, lui tricote tard dans la nuit des chaussettes de laine, puisqu’il ira certainement en Allemagne, ou même en Pologne. On parle de Sagan. Elle regarde la carte. Le froid lui a toujours fait peur.
Ensuite, en cas de bombardement parisien, il faut sauver les albums où sont conservés tous leurs souvenirs de voyage, les traces de leur bonheur. Elle les envoie à la campagne, chez des cousins.
Où que Raymond soit, elle le suit par la pensée, et lui écrit de si longues lettres qu’un jour, il lui demandera de les raccourcir, pour ne pas attirer la méfiance de la censure. Se poursuit alors entre eux une correspondance qui tombera quasiment en poussière, quand Violette la retrouvera dans une sacoche, soixante ans plus tard, après la mort de sa mère.
Ils passent donc de longues soirées ensemble, unis par la pensée, pendant ces années de guerre. Quelques lettres seront sauvées de la destruction du temps : des lignes d’une écriture presque effacée s’allongent sur de petits feuillets réduits à une soie jaunâtre, où se serrent des mots d’amour écrits au crayon : « Je t’aime comme peut-être personne n’a jamais aimé. Comment cela ne m’aiderait-il pas à attendre avec la plus grande patience le retour de notre bonheur ? »
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