Et un dernier extrait, qui réunit Frédéric et Justine, deux collègues, à la sortie d’un conseil de classe.
Justine eut froid, tout à coup. Elle serra son manteau autour d'elle, et constata douloureusement :
— Pourquoi tout s'en va en morceaux dans nos vies ? Voilà maintenant mes parents qui divorcent à leur tour… à soixante-dix ans !
— Ah ? fit Frédéric, surpris.
Lui-même avait largement dépassé soixante ans. Il avait donc pris l'habitude de faire entendre la voix de l'expérience, même s'il n'était pas toujours très fier de la sienne. Ainsi n'avait-il pas ébruité ses difficultés conjugales, qu'il jugeait désormais un peu apaisées. Mais là, il se confia :
— Moi aussi, je me suis séparé de ma femme après plus de trente ans de mariage. Je pensais que ce serait moins dur pour les enfants, maintenant qu'ils sont adultes.
Et il ajouta :
— Bon, c'est une révolution… Mais ce n'est pas la mort.
Pas la mort ? pensa Justine, dans un élan de révolte.
Mais elle se tut. Après tout, il avait raison. Après deux séparations, elle était vivante.
— Tu sais, continuait-il, il n'y a pas qu'une seule vie dans la vie. Moi, cela faisait longtemps que ma première vie était finie, mais je restais, pour la famille, pour finir d'élever les enfants. Peut-être par lâcheté. C'était… comme ça. Et je ne sais pas si j'ai bien fait d'attendre. Je crois que j'ai fait plus de mal à mon épouse que si j'étais parti plus tôt. C'est dur, pour des gens de notre âge, de se reconstruire une vie. Mais toi, ajouta-t-il après un silence, tu as encore une longue vie devant toi…
Il était tard. Le concierge passait dans le couloir pour vérifier qu'il n'y avait plus personne.
Ils se levèrent lentement, secouant le poids de leurs pensées.
Puis ils éteignirent la lumière et sortirent de la salle.
Une fois dans la rue, ils se dirent encore quelques mots, et se séparèrent.
Il commençait à pleuvoir, et il faisait bien nuit.
Mais le regard de Justine trouvait son chemin dans l'ombre.
Vous découvrirez les autres personnages en lisant le roman…