Sur cette grande plage normande, à la tombée du soir, les baïnes que laissait l’océan à marée basse multipliaient les reflets du soleil. C’était bel et bien une Invitation au voyage…
— Moi, je vais courir vers les soleils mouillés ! s'écria Clémence en laissant David dans sa révision des Fleurs du mal. Pieds nus, cheveux au vent, elle battait des bras en imitant un vol d’albatros.
Toute une bande de jeunes enfants ondulèrent bientôt derrière elle, chacun mimant, sur son conseil, l’animal de son choix. Il y avait entre autres un chien qui se dandinait sur ses quatre pattes, et un chat gracieux qui s’asseyait pour passer une patte recourbée derrière ses oreilles, puis allongeait son corps en miaulant.
Plus haut sur la plage, les parents, un groupe d’amis qui discutaient en profitant des derniers feux de ce beau jour, se réjouissaient du spectacle.
— On dirait que Clémence a fait cela toute sa vie ! dit une mère.
Pierre, le tuteur de David, qui avait hésité à inviter Clémence à ce week-end entre amis, hocha la tête en souriant.
— Je crois qu’elle a participé à un atelier mime, à l’hôpital. Et ce qui est remarquable, c’est sa façon de s’adapter aux enfants…
— Quand elle va bien… nuança quelqu’un sur un ton plus circonspect.
— Il est vrai que tout peut basculer d’un instant à l’autre.
— Quel dommage… murmura une autre mère en se tournant vers David, qui s’était assis un peu plus loin, pour réviser tranquillement ses textes d’oral.
Tout à coup, il se passa quelque chose. On vit de loin le petit chat bondir vers Clémence, qui s’écarta de lui avec une terreur non jouée. Son joli envol d’albatros s’abattit, tandis qu’elle entreprit de remonter vers le sable sec, les bras ballants, en abandonnant le jeu.
L’enfant la suivait en criant : « Je ne voulais pas te faire du mal, Clémence ! Je voulais juste attraper l’oiseau ! »
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