Hélène Bruntz

Sur cette grande plage normande, à  la  tombée du soir, les baïnes que laissait l’océan à marée basse mul­ti­pliaient les reflets du soleil. C’était bel et bien une Invitation au voyage…

— Moi, je vais courir vers les soleils mouillés ! s'écria Clémence en lais­sant David dans sa révi­sion des Fleurs du mal. Pieds nus, che­veux au vent, elle battait des bras en imitant un vol d’albatros.

Toute une bande de jeunes en­fants ondu­lèrent bien­tôt der­rière elle, cha­cun mimant, sur son con­seil, l’animal de son choix. Il y avait entre autres un chien qui se dan­dinait sur ses quatre pattes, et un chat gra­cieux qui s’as­seyait pour passer une patte recourbée der­rière ses oreilles, puis allon­geait son corps en miaulant.

Plus haut sur la plage, les pa­rents, un groupe d’amis qui discu­taient en profitant des derniers feux de ce beau jour, se ré­jouissaient du spectacle.

— On dirait que Clémence a fait cela toute sa vie ! dit une mère.

Pierre, le tuteur de David, qui avait hésité à inviter Clémence à ce week-end entre amis, hocha la tête en souriant.

— Je crois qu’elle a participé à un atelier mime, à l’hôpital. Et ce qui est remar­quable, c’est sa façon de s’a­dap­ter aux enfants…

— Quand elle va bien… nuança quel­qu’un sur un ton plus cir­con­spect.

— Il est vrai que tout peut basculer d’un instant à l’autre.

— Quel dommage… murmura une autre mère en se tournant vers David, qui s’était assis un peu plus loin, pour réviser tran­quil­le­ment ses textes d’oral.

Tout à coup, il se passa quel­que chose. On vit de loin le petit chat bondir vers Clémence, qui s’écarta de lui avec une terreur non jouée. Son joli envol d’alba­tros s’abattit, tandis qu’elle entreprit de remonter vers le sable sec, les bras ballants, en abandonnant le jeu.

L’enfant la suivait en criant : « Je ne voulais pas te faire du mal, Clémence ! Je voulais juste attraper l’oiseau ! »

[...]

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