Hélène Bruntz

[...]

La grand-mère voyait le monde se transformer trop vite. « Cela ne durera pas » disait-elle. Et elle pensait constamment à une autre guerre, se réjouissant que Violette fût une fille…

Mais la mère de Violette, elle aussi, avait le cœur lourd de griefs.

– Tu ne peux tout de même pas te plaindre ! Je fais tout à la maison ! se défendait la grand-mère, sans comprendre que, pour sa fille, il n’y avait rien de plus insupportable que ce « tout », et le don inépuisable qui l’accompagnait.

– Tu en fais tellement que je ne suis plus chez moi !

Mais c’était un coup que la grand-mère savait parer :

– Tu étais bien contente que j’élève ta fille ! Suivaient les larmes et un accès de mi­grai­ne, soigné à grand ren­fort de cachets d’aspi­rine.

– J’en suis au sixième, disait la grand-mère vers le soir, fière d’avoir dépassé les doses permises.

En somme, le règlement des comptes n’en finissait jamais.

– Ta mère est toujours énervée contre moi, entendait Violette, qui errait entre elles deux.

L’une était confinée dans sa chambre, assise sur son fauteuil, essuyant ses doubles foyers embués, tandis que l’autre continuait à dérouler son discours exalté, avec de grands gestes et des pas vifs dans tout l’appartement.

– Elle aurait dû être avocate, marmonnait la grand-mère.

[...]

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